L'étêtage
Beaucoup de clients que j'ai rencontré s'inquiètent à raison des proportions grandissantes que prend un arbre planté voilà dix ans à côté de leur habitation.
Le client décide alors que la meilleure solution serait de l'étêter car la perspective d'une branche ou de la tête tombant sur le toit est effrayante.
De plus, l'abattage d'arbres situés dans des lieux publics est souvent mal perçu par le public et soulève d'impétueuses levées de bouclier.
Le paradoxe veut que ces mutilations, en particulier l'étêtage, soient proposées comme solution de remplacement à l'abattage en espérant ainsi pouvoir conserver des arbres autrement condamnés.
Qu'est-ce que l'étêtage ?
Quelques définitions :
- L'étêtage : consiste en la suppression de la cime d'un arbre.
- L'éhoupage ou ravalement : consiste en la coupe générale de toutes les branches sectionnées au ras du tronc.
- Le rapprochement : consiste à rabattre les branches au tiers de leur longueur.
- Un arbre tétard : est un arbre qui a été étêté ou écimé et dont les branches sont régulièrement ravalées. (Exemple : le saule tétard).
Les conséquences de l'étêtage :
- L'étêtage occasionne souvent une plaie très importante que l'arbre ne parviendra jamais à cicatriser.
Les plaies offrent une porte ouverte aux germes, champignons et insectes ravageurs divers. La pourriture s'installe et descend dans le tronc vers les racines : par conséquent l'espérance de vie de l'arbre diminue de moitié, si ce n'est plus.
Cette cavité met en péril la solidité de l'arbre alors que le client demandait de le sécuriser.
- Cette taille radicale provoque également une diminution immédiate des réserves de l'arbre (amidon, sucres solubles essentiellement).
Ainsi, il a été montré que sur un platane taillé radicalement avait n niveau globale de réserves de 40 à 60 % inférieur à celui d'arbres non taillés et ce, sept années après la coupe des branches. Des arbres appauvris en réserves sont extrêmement affaiblis, plus vulnérables que d'autres à de nouvelles agressions (pollutions, froid, sécheresse, salinité, tailles, ...) et moins résistants aux pathogènes.
- De plus après un étêtage, un arbre réagit souvent violemment en produisant des rejets anarchiques, c'est ce qui fait dire à certains qu'un bon étêtage ' revigore ' un arbre, c'est totalement faux.
Ces rejets censés remplacer la cime disparue, sont beaucoup plus faiblement ancrés que la tête originale. Ils sont apparus à partir du cambium qui est situé sous l'écorce.
L'ancrage de ses nouvelles têtes est donc très faible comparé à l'ancienne tête qui formait un bloc avec le tronc. Ces rejets sont faiblement enclins à se décrocher de l'écorce par de trop fortes rafales de vents ou par le poids grandissant sur la ou les nouvelles têtes qui continuent à grandir.
- De plus, les racines régressent par épuisement des réserves, ce qui affecte la solidité de l'ancrage dans le sol (risque de chablis).
- Ces traitements enlèvent aussi la silhouette spécifique et naturelle aux arbres qui prennent un aspect souffreteux et malingre. En hiver, les alignements d'arbres ainsi transformés en poteaux donnent un effet visuel particulièrement affligeant et déprimant.
- Les collectivités locales commencent à réaliser à quel point les tailles radicales passées leur coutent cher aujourd'hui.
Les dépenses nécessaires à la surveillance des arbres dangereux, aux tailles de restructuration et aux replantations sont exorbitantes.
Les autres tailles radicales que sont le rapprochement ou le ravalement ont les mêmes conséquences.
Comment éviter d'en arriver là ?
Le problème se situe au moment de la plantation. Planter un arbre doit toujours se faire de manière réfléchie. Un arbre a besoin de place pour croÎtre. Pour savoir quelle taille fera un arbre à maturité, vous pouvez consulter des livres spécialisés
et si besoin demander à un professionnel (un pépiniériste ou un arboriste) qu'il vous renseigne.
Si vous ne disposez pas d'un grand jardin, vous pouvez planter des essences à petit développement.
Lorsque l'abattage peut être évité, le meilleur moyen de préserver la solidité de l'arbre est de pratiquer ' la taille raisonnée ' appelée aussi ' taille douce '.
Ce type de taille vise à conserver au mieux la santé de l'arbre : car arbre sain est un arbre solide. Ce procédé de taille a été mis au point suite à des recherches scientifiques sur le mode de développement des arbres, leur mode de cicatrisation
et de lutte contre les maladies.
On utilise cette taille dans le cas où l'arbre a suffisamment de place pour ne pas gêner et ne pas être gêné mais la charpente n'est jamais affectée.
On supprime les branches mortes et les moignons. On supprime également des branches mal orientées ou gênantes, sans oublier de ne pas dénaturer le port initial de l'arbre.